« C’est bien un garçon ! », annonça l’obstétricien alors que je poussais mes premiers cris dans ce monde. Premiers cris, dans la grande ville de Londres, en Angleterre. Londres, vous devez connaître ? Mon père, George Stuart était d’origine Américaine, et il décida de tout planter, pour aller vivre avec ma mère qu’il rencontra alors qu’elle était en vacances en Californie. Ce fut le coup de foudre, assez pour que mon père laisse tomber sa planche de surf pour une luge en déménageant ici. J’ai toujours trouvé ça bizarre, de quitter l’Amérique, et qui plus est, la Californie, pour venir vivre à Londres, ville beaucoup moins ensoleillée : mon père me disait qu’il avait fait ça par amour, mais je n’arrivais pas à concevoir qu’on puisse changer radicalement de vie, pour une femme. Enfin. Mon père était propriétaire d’une libraire assez connue en ville – puisqu’étant la seule - ce qui m’a, très vite, donné le goût à la lecture. Ayant accès à tous les bouquins que mon père vendait sans avoir à les acheter, j’appris très vite à lire et à avaler le plus grand nombre de livre possible, de toutes sortes ce qui ne déplut pas à ma mère, qui était institutrice dans les petites classes de l’école de la ville. Mes parents étaient très sociables, et je m’étais toujours demandé d’où je tenais ce côté solitaire.

Les meilleurs amis de mes parents, étaient la famille Blackwood. Je ne me rappelle pas du jour où je les aient rencontrés, eux et leur fille, Aylin qui avait le même âge que moi, mais je rappelle juste les avoir toujours connus. Ils venaient souvent, le week-end manger à la maison et nous allions souvent chez eux aussi, à mon plus grand désespoir, d’ailleurs car je ne m’entendais pas du tout avec leur fille. Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi, c’était comme…physique. Cette fille, était tout le contraire de moi, et ça avait l’air de l’agacer profondément. Elle me cherchait, constamment et je cherchais toujours le premier prétexte pour l’embêter ou lui faire porter le chapeau lorsque nous faisions une bêtise : mais c’était un fait, nos parents étaient très amis, et nous devions donc apprendre à nous supporter. Enfin, nous supporter, c’était bien un grand mot. Et plus nous grandissions, pire c’était. Ça rendait nos parents un peu triste, de voir à quel point nous étions toujours en train de nous battre, au fond, j’ai toujours était certain qu’ils espéraient nous voir amis ou même plus, chose, qui ne risquait de ne jamais arriver dans mon esprit. Car Aylin, était tout ce que je détestais le plus chez une fille, chez une personne en général, même. Je grandis plutôt normalement, j’avais des bonnes notes en classe, et surtout en littérature ce qui rendait mon père, plutôt fier. Vers l’âge de douze ans, ma mère m’offrit un petit carnet de note, me disant que si j’aimais tant lire, je pourrais peut-être m’essayer à l’écriture et que ce petit carnet, je devrais l’avoir toujours sur moi, et noter des idées, noter ce que je ressentais, tout ce qui me passait à travers la tête.

Et c’est ce que je fis. Durant l’adolescence, j’étais toujours ce garçon en retrait, avec des idées et des rêves pleins la tête, des rêves comme celui de partir très loin d’ici. J’enviais la vie que menait mon père lorsqu’il vivait en Californie, il m’avait raconté plus d’une fois : le soleil, la plage, le surf, les filles…Pour mes quinze ans, nous étions même partie faire un tour du côté où il avait grandi. L’Amérique m’en avait mis plein les yeux, et je rêvais encore plus du soleil après ce petit voyage. J’attirais les filles, mais quand elles apprenaient à me connaître et qu’elles essayaient de s’imprégner de mon monde, elles n’arrivaient pas à comprendre ma solitude et mon retrait envers les gens. Parallèlement, je continuais de devoir supporter Aylin à toutes les fois où nos parents décidaient de se faire un petit repas ou parfois même – car ça arrivait – des week-end tous ensemble. J’avais parlé, plus d’une fois à mes parents du fait que la jeune femme et moi ne nous entendions vraiment pas, et mon père me dit alors qu’il était certains que je devrais peut-être apprendre un peu mieux à la connaître et que les gens en général, se donnaient une attitude pour cacher ce qu’ils sont réellement. Et c’est pour ça, que je décidais de remettre en question la façon dont je voyais Aylin, sans pour autant aller jusqu’à dire que je l’adorais. Disons que j’apprenais à faire avec, et j’apprenais à la comprendre, même si ça n’était vraiment pas facile vu toutes les différences qui nous séparaient. D’office, quelque chose ne collait pas : notre mode de vie. Elle partait souvent en voyages, grâce à son père qui était un homme d’affaire important, ce qui avait dû la forcer à donner une image aussi parfaite d’elle aux gens. C’est un soir, alors que je la retrouvais complètement bourré, je devais avoir dix-sept ans, que je compris qu’il y avait autre chose. La petite fille capricieuse et arrogante, ça n’était qu’une image qu’elle donnait d’elle. J’avais fait en sorte que ses parents ne sachent pas qu’elle était complètement ivre ce soir-là, et je m’étais occupé d’elle, du mieux que je l’ai pu. Mais à son réveille, la charmante Aylin endormie, se retransforma en cette horrible fille que je détestais plus que tout au monde. « J'ai pas besoin de toi Stevens. J'aurais jamais besoin de toi, ni de ta pitié. J'ai personne, et j'ai besoin de personne de toutes façons. » Ça m’avait vexé, au point que je repartis chez moi alors que mes parents n’avaient même pas fini de manger. Je m’étais inquiéter pour elle, j’avais pris le temps d’essayer de voir autre chose qu’une rivale, pour…ça ? Mon père avait tort et j’en était persuadé alors : Aylin Blackwood était la pire personne que je connaissais.

Etant assez grands pour ne pas à avoir à suivre nos parents partout, nous n’étions plus obligés de nous voir, et elle ne me manquait pas du tout. Enfin, c’était ce que j’essayais de me persuader, car au fond, sa présence me manquait un peu, aussi malsaine celle-ci était. J’avais quelques amis, mais je n’aimais pas trop m’attacher aux gens et même si je me persuadais que je vouais une haine sans merci envers la jeune femme, j’avais quand même fini par m’attacher un peu à elle, même si elle continuait de m’énerver et m’exaspérer au plus haut point. Je m’occupais simplement de vivre ma vie, j’avais eu quelques copines, mais comme toutes les filles qui avaient essayer de me fréquenter, mon côté casanier ne leur avait pas plu, à cet âge, les jeunes devraient aimer faire la fête toutes les nuits, mais pas moi. Je n’étais pas comme ça, et ça en dérangeait plus d’une. Je commençais des études de lettres modernes, c’était vraiment facile pour moi, ayant lu déjà plus de la moitié des livres que je devais lire pour mes cours, je n’avais pas beaucoup de travail à faire à côté. J’étais vraiment passionné, par ce que je faisais : mes parents me payaient un appartement pas trop loin de la fac, et celui-ci me ressemblait beaucoup, puisque j’avais monté des étagères partout, dans presque toutes les pièces pour pouvoir y entreposer mes livres, et pouvoir les relire encore et encore au coin d’un petit feu.

A vingt ans, je pouvais dire que j’étais heureux. Enfin, j’avais tout ce dont j’avais toujours rêvé : un appartement, dans lequel je pouvais vivre ma vie seul sans avoir à rendre de compte à personne, je faisais des études que j’aimais et mes parents me soutenaient. Un soir, alors que je rentrais de la bibliothèque, passant par un raccourcis pour rentrer chez moi, je crus reconnaître quelqu’un, sur un banc. Quelqu’un, que je n’avais pas vu depuis des années et qui pleurait. Aylin Blackwood, qui pleurait, j’avais du mal à y croire, mais c’était bien elle. Et soudainement, ce que mon père m’avait dit à propos d’elle il y a quelques années, me revint à l’esprit et je ne pus m’empêcher de m’asseoir près d’elle. Je n’ai pas cru qu’elle se confierait à moi, ce soir-là, m’avouant qu’elle était enceinte de ce garçon dont elle n’était même pas amoureuse. C’est drôle, à quel point deux personnes, qui s’étaient tant détestés comme nous, avions réussis à devenir amis. Le problème n’était pas que je supportais mal la solitude, c’était que sa présence, qu’elle soit négative ou positive, m’avait manquée. Elle avait besoin de moi, et j’étais là pour elle, à chaque examen médical, dès qu’elle en avait besoin, même rien que pour parler, de tout et de rien, j’étais là. Nous nous voyons de plus en plus, et j’avais du mal à me l’avouer, mais c’était réel, je m’attachais à elle, peut-être trop. C’était interdit, c’était impossible. Elle avait un petit ami, et je n’avais pas le droit de m’interposer entre eux. Alors, nous avons décidés, de prendre un peu de recul. Dire que ça ne m’avait pas fait de mal serait mentir, car elle me manquait, un peu plus tous les jours et je m’en voulais, parfois, de ne pas lui avoir dit que je l’aimais. Je me fichais, d’avoir à élever l’enfant d’un autre, elle n’était pas heureuse avec son petit ami, et je voulais qu’elle soit heureuse avec moi.





Jusqu’à ce que je reçoive cet appel. Il était à peu près trois heures du matin, mais dès que j’entendis « Hôpital, accident, Aylin », je bondis de mon lit pour aller la rejoindre. Je ne comprenais pas, pourquoi elle avait fait appeler moi au lieu de ses parents, même si j’étais heureux qu’elle l’ait fait, malgré les circonstances horribles qui l’avaient amenée à devoir faire ça. Elle était tellement mal, après sa fausse couche, et je ne pus me résigner à la laisser tomber. Je venais la voir, tous les jours, et il m’arrivait même de lui lire des passages de livre. Elle était allongée, dans le canapé, sa tête sur mon épaule, les yeux fermés pendant que je lisais à voix haute. Il lui a fallu du temps, pour retrouver le sourire et même si jamais je n’aurais la prétention de dire que c’est grâce à moi qu’elle remonte encore la pente aujourd’hui, c’est peut-être un peu la vérité. J'avais un peu peur, de ce que je ressentais pour elle : comment accepter qu'on a des sentiments pour quelqu'un qu'on a tant haïs par le passé ? Nous continuions de nous voir, mais nous étions plus timide, l'un envers l'autre. Jusqu'à il y a deux mois. Cette panne de courant, pendant que nous regardions un dvd...nous retrouver dans le noir, de cette manière nous a aidé à nous confier l'un à l'autre. Aujourd'hui, nous sommes un couple. Les souvenirs remontent assez souvent à la surface, mais je l'aime. Nous envisageons même d'emménager ensemble, car même si nous sommes un couple depuis seulement deux mois, nous nous aimons depuis bien longtemps. Oui, tellement...je peux dire qu'aujourd'hui, je suis entièrement heureux.